Muzaffar-a-bad city
Pakistan – Introduction
Province du Azad-Kaschmir. Le samedi 8 octobre 2005, la ville de Muzaffar-A-Bad est au centre d’un tremblement de terre de magnitude 7,6 sur l’échelle de Richter. Ressenti de Kaboul (Afghanistan) à New Delhi (Inde), c’est le plus important tremblement de terre dans la région depuis 1935.
Villages, maisons, écoles, routes et infrastructures sont détruits. Six-cents-mille personnes sont privées d’électricité. Les autorités recensent rapidement onze-mille morts. Devant la lenteur des secours, les premières scènes de pillages sont observées dans les rues de la cité. À l’approche de l’hiver, l’appel au secours est inévitable. De nombreux pays commencent à acheminer de l’aide humanitaire, notamment la Turquie, la Grande-Bretagne, le Japon, les Emirats Arabes Unis, la Russie, la Chine, l’Allemagne et la France.
Quinze jours après le tremblement de terre, les pertes en vie humaine sont de cinquante-quatre-mille morts et plus de soixante-sept-mille blessés. Ces statistiques seront plus tard revues à la hausse.Quelques mois plus tard, je commence le reportage.
Interview d’Azmat, policier à Muzaffar-A-Bad
« Je dors au moment du tremblement de terre.Pendant la période du ramadan, je travaille au poste de police. Après être allé à la mosquée, je reviens au bureau et je m’assoupis.Un réveil brutal. Tout se met à trembler ; je sors de là… En très peu de temps, le building est à terre et il est impossible de sortir de la cour. Les détenus crient, un ami les libère: ‘Partez ! Partez !’. Nous ne savons pas quelle est la situation et si nous allons vivre…À ce moment-là, pendant les minutes qui suivent, tu penses que c’est la fin du monde. J’ai même cru que nous étions attaqués… Le bureau de police est complètement détruit.Enfin, quand je sors de la cour, c’est horrible… Tout est écrasé autour de nous…Ma première pensée est pour ma famille et ma nièce. Je pars en direction de son école… Dans la rue, les routes sont encombrées par l’effondrement des buildings et des maisons… Les gens crient. Mais que faire… ? Tu n’es même pas sûr d’être vivant ! J’arrive à l’école et je vois des gens fouiller dans les décombres. Je me précipite, mais il est trop tard.
Les enfants ont été ensevelis et une partie du bâtiment est dans le vide. J’aide les gens à dégager un corps… Et puis, un autre… Mais c’est trop tard.J’aperçois ma nièce sans vie avec son livre sous le bras. Son visage est couvert de sang. Je couvre son corps d’un drap trouvé dans les décombres… Je commence à marcher, la tenant dans mes bras. Je pars en direction de ma maison, rejoindre ma famille, sans savoir si…Il y a des corps partout. À gauche, à droite, dans la rue… Partout.Les magasins sont ouverts mais tout est vide. Tout le monde est à la recherche de survivants et de sa famille. Il n’y a plus de trafic ; les voitures, les bus, les camions sont à l’arrêt…J’ai mis plus d’une journée pour parvenir à rejoindre ma maison, ma nièce dans les bras…
Ma maison était détruite. Nos vies étaient détruites. » Azmat, le regard vide, repose sa tasse de thé.
Interview de Zahida
Zahida travaille avec OXFAM. Elle est professeure à Muzaffar-A-Bad. Depuis quatre mois, elle travaille dans divers camps.Expressive et engagée, elle apporte des explications sur sa manière de voir l’avenir de tous ces gens touchés par le séisme. « Je vois les ONG distribuer de la nourriture aux victimes mais il faut arrêter cette action dès maintenant. Les gens sont désormais dépendants de cette aide extérieure et ils y retournent. L’inactivité prend le dessus… Je vois des jeunes attendre dans les camps, sans aller chercher du travail. De ce fait, sans travail, ils ne peuvent subvenir aux besoins de leur famille… Ils attendent pour du pain ou du beurre et c’est un mauvais exemple pour les enfants.Tout le monde attend les ONG, prend la nourriture et pense que ces organismes sont capables d’amener d’autres choses.
J’ai dit aux organisations: ‘N’apportez rien de ce que les gens ont besoin au quotidien ! Nous n’avons plus besoin de nourriture. Nos hommes deviennent vraiment paresseux quand ils en ont gratuitement.’ Pourquoi feraient-ils l’effort d’aller travailler ? Par contre, nous avons besoin de nouvelles écoles, pour y renvoyer nos enfants. Nous avons besoin d’aide pour de nouvelles maisons. Nous avons besoin d’aide pour nos routes. Nous avons besoin d’aide pour l’agriculture. Nous avons besoin d’aide pour qu’après, nous puissions fournir une bonne éducation. Donnez-nous en priorité des livres pour les enfants ; nous en avons un besoin urgent.
Mais je le répète, ne nous apportez plus de nourriture… Ne fabriquez pas la paresse de nos hommes. »Après le tremblement de terre, Zahida a pu continuer à exercer son métier avec le soutien des ONG.